Comment publier un mauvais roman

Suite (et pas encore fin) de notre série sur le mauvais roman. Tu l’as terminé, tu as mis un point final, tu n’as que partiellement relu l’ouvrage et il est désormais temps de trouver un éditeur. La logique voudrait que tu contactes d’abord un mauvais éditeur et alors là, je te rassure, tu n’auras que l’embarras du choix. Les mauvais éditeurs, ils sont partout, à tous les carrefours du web 2.0, à tous les embranchements des recherches google, à l’affut de tous les groupes facebook. Il suffit de cliquer, de leur adresser un manuscrit qu’ils ne liront pas et tu seras accepté avec un enthousiasme , contre une participation rémunérée légère et non corrosive. Mais si tu es pauvre et sans le sou, il existe d’autres méthodes.

D’abord, tu peux épulecher les contacts de ton portable, tes amis facebook et tes relations linkedIn à la recherche d’un vieux copain qui serait devenu éditeur, ou qui connaitrait quelqu’un, n’importe qui, oeuvrant dans l’univers hermétique de l’édition. C’est la méthode employée depuis des décennies par les célébrités qui publient des mauvais romans chez tous les éditeurs de la capitale (bons ou moins bons d’ailleurs). Et c’est ici qu’une mise au point s’impose. Un bon éditeur, je veux dire, un éditeur qui a bonne presse, qui jouit du statut d’élite intellectuelle en son pays (celui qu’on fuit absolument dans ce tutoriel), peut très bien se livrer à du mauvais travail d’éditeur (et là, d’un coup, ça nous intéresse), de temps à autre, sur demande expresse. C’est notamment le cas lorsqu’un mauvais roman de célébrité est publié. Mais à quoi reconnait-on une mauvaise édition ?

1. Le titre. Rien de plus simple que de trouver un mauvais titre. Il convient de rester méfiants, certains se contentent d’un seul mot, souvent vague et insipide, c’est un bon début mais ça ne suffit pas toujours à en faire un mauvais titre. Il est de bon ton d’affirmer plus fort la médiocrité. 

2. La couverture. Une image hideuse, repoussante, vulgaire, laide, incompréhensible ou crasseuse est bien souvent souhaitable et si en plus elle est de mauvais gout, c’est presque parfait. Ne sous-estime jamais le poids de l’imagerie dans la littérature, l’impression laissée par la première de couverture accompagnera, inconsciemment, toute la lecture de l’ouvrage, lui offrira un cadre et une couleur. Plus c’est mauvais, plus le lecteur sera baigné dans cette ambiance de médiocrité tout du long.

3. Les coquilles. Un mauvais éditeur ne prend pas le temps de payer les honoraires affolants d’un relecteur/correcteur/chasseur de coquilles. Il laisse donc l’auteur se relire une ou deux fois, il râle si celui-ci, un peu trop consciencieux à son goût quémande une ultime relecture, car l’important, ce n’est pas le bouquin. C’est de le vendre.

4. Le choix du papier. Cela peut paraitre anodin mais le choix du papier est le détail qui tue. Un mauvais éditeur s’échinera à choisir un papier qui coupe le bout des doigts, qui est désagréable au toucher et qu’on préfère tourner avec des baguettes chinoises (ce qui rend la lecture compliquée mais ô combien plus ludique).

Pendant cette mise au point, si tu n’as pas pu faire jouer tes relations et si tu ne peux toujours pas te payer un éditeur, dis-toi que tes chances se réduisent comme peau de chagrin. Mais ne perds pas espoir, la lumière est au bout du chemin (long chemin parfois, certes). Il te reste trois solutions. Mais il faut que chaque éditeur que tu contactes respecte scrupuleusement le cahier des charges énuméré plus haut. Si tu ne peux pas payer un éditeur, peut-être que tes amis le pourront : il s’agit du crowdfunding. Le problème, c’est que tu ne connais pas les intentions de ces gens qui investissents sur toi, recherchent-ils la même chose que toi ou croient-ils miser sur un énième « bon » roman publié chez un « bon » éditeur ? Et enfin, il reste les éditeurs qui publient tout ce qui leur passe sous la main, sans vraiment prendre en compte la qualité. Tu pourrais te retrouver à côté du récit de la rééducation d’une femme de 38 ans après être tombée à vélo ou des poèmes inspirés des ruptures amoureuses entre un homme et une femme. Tu n’es à l’abri de rien. Alors prends garde.

PS : et ôte de l’idée d’envoyer un manuscrit anonyme à un éditeur anonyme. Au mieux, il ne sera pas lu. Mais dans le pire des cas, il sera publié anonymement comme un vulgaire « roman de bonne facture ». Car l’important, l’objectif premier de toutes ces démarches, c’est de le vendre, l’étape la plus importante, qu’on détaillera dans notre prochain tuto.

 

En bonus, voici un petit florilège des éditeurs respectant scrupuleusement notre cahier des chagres.

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