Je me drogue

Je me lève, je déjeune, je m’assieds et j’écris. J’écris. J’écris. Je ne peux rien faire d’autre, je n’ai le droit de rien faire d’autre. On me subventionne, on croit un peu en moi, pas grand monde, deux mécènes. Je ne peux pas les décevoir. Je ne peux pas échouer. J’écris. Le premier roman est publié, on en vend, pas assez pour survivre. Alors j’écris. Pour me donner une chance. Que quelque chose quelque part se passe. J’écris. Ca va démarrer. Ca doit démarrer. Alors j’écris. Des nouvelles, des romans, des textes courts. Il faut que la mayonnaise prenne. Ca va prendre. J’écris.

Et puis tout se ramollit. Les sentiments je les écris. Juste. Je les écris. Je me sèche. Je ne sens plus rien. Les sourires, je les écris. Je ne les vois plus, je les écris. Les conversations, je les écris. Je les écoute de loin, mais je les écris. Les paysages, je les écris. Je les vois et je les écris. Je suis sec. Je suis terriblement sec. 

Au début, on m’a dit que l’écriture était une thérapie. Je ne pense pas. Je n’avais rien à thérapisser. Rien de fondamental. C’est devenu machinal, j’entends les conversations et je rêve déjà de les écrire, je vois un ciel lavandé, ravagé par les nuages et je rêve de l’écrire, je tombe amoureux et je rêve de l’écrire. Je ne suis plus là, je ne suis plus nulle part. J’écris. Je ne filtre plus rien. Ca passe de mes sens à mes doigts. Je ne ressens plus, je m’assèche. Les drogues dures font ça. L’écriture est ma drogue dure. Je me drogue. Et je l’ai découvert ce matin.

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