L’argent, on s’en fout, t’as le prestige, t’es écrivain

C’est clair que je suis plutôt du genre heureux, satisfait, fier ces jours-ci. Tu sais cher mon lecteur, c’est plutôt galvanisant de voir ton bouquin en librairies, sur les étals de la littérature belge, à côté d’Amélie Nothomb par exemple. J’ai beaucoup travaillé, écrit, corrigé, lu, relu, recorrigé pour en arriver là, avec les editions diagonale et les deux éditrices qui portent le projet. Alors maintenant, c’est sûr, on ne boude pas son plaisir, on est un peu content, content du résultat, content de nous-mêmes. On en profite parce qu’on sait que ça ne va pas durer. Bientôt on aimerait voir les lecteurs acheter le roman puis le lire et enfin partager leurs avis. Jusqu’à présent, j’ai eu assez peu de retours mais tous sont positifs, ce qui laisse présager des belles choses pour le roman et j’espère qu’il trouvera des lecteurs, c’est ça le plus important aujourd’hui. Mais je continue de me projeter encore un peu plus dans le temps et j’imagine qu’on vit dans un monde idéal et parfait et qu’on arrive à épuiser le bon demi-millier de copies déjà imprimées, ce qui est une très bonne moyenne  pour un auteur en Belgique francophone. Et là, tu sens un peu d’amertume monter. Tu le sens aussi, cher mon lecteur ? Ce bouquin je l’ai écrit en un mois, à temps plein, un temps vraiment court. Ensuite je l’ai relu et corrigé seul pendant un autre mois. Et enfin je dois l’avoir retravaillé plusieurs semaines avec la maison d’édition. Disons que j’ai consacré trois mois de ma vie à ces ânes de la colline devenus barbus. Pour quoi ? Pour 500 (dans le meilleur des mondes) x 0,80 €. Oui, 0,80€ par roman cher mon lecteur (sur un prix de vente à 16,50€). Non pas que mes éditrices soient des négrières, c’est simplement la loi du milieu, c’est comme ça que ça fonctionne. L’argument que tout le monde utilise c’est que sans auteur il n’y aurait pas de roman. Ben oui, sinon je pense que ça ferait longtemps que les éditeurs écriraient eux-mêmes les bouquins. Donc pour trois mois de boulot à temps plein, tu toucherais 400 €. Brut. Lol. Mais c’est comme si le prestige lié à ce nouveau statut devait compenser le rien que tu gagnes. Quand tu parles de cette situation à certains corps de métier comme des avocats, des commerciaux ou des consultants qui se font payer 650€ brut/heure, t’imagines bien qu’ils te dévisagent gentiment, leurs yeux brillent de constater tant d’innocence et de naïveté dans un seul corps. « Mais pourquoi tu fais ça alors ? Le prestige ? »

L’argent n’est pas tout. Mais si écrire un roman ne paie ni le loyer, ni l’électricité, à peine un repas pour des parents ou des copains, faut vraiment être buté pour continuer à écrire. Ou un peu fou. Ou amoureux.

Bref, je réfléchis maintenant intensivement à mon prochain manuscrit.

Stay tuned folks et lisez les ânes barbus.

                  éditeur

 

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