Les dinosaures de Berlin
Il faut se le dire : Berlin ne s’est pas révélée aussi idyllique que je l’avais espéré. Et depuis 3 mois, un temps de dinosaure. Pas de lumière, absolument pas de lumière, un dégradé de gris, sombre, très sombre, très très sombre. Tu sais les dinosaures ont disparu parce qu’un nuage si épais et si dense (à cause d’une météorite ou d’un volcan) dans l’atmosphère avait empêché toute lumière de parvenir jusqu’à la terre. Un dégradé de gris, sombre, très sombre, très très sombres. Les végétaux sont morts. Puis les herbivores. Et enfin les carnivores. Un temps de dinosaures. Alors en hommage, et en prévision du pire, j’inscris chaque jour le nom d’un dinosaure qui serait mort sous un tel climat.
Et puis je me suis dit que si ça devenait finir bientôt, ce serait avec panache. Alors toute la semaine je me suis agité dans les souterrains, voir Berlin vibrer de l’intérieur et lui laisser une chance de me séduire avant l’Apocalypse. Opéra, bassin avec musique sous-marine, cours de tango dans un vieux palais (où Tarantino a tourné des scènes d’Inglorious Bastards), stand up en anglais de débutants venus de Syrie, de Chine, d’Ukraine ou du Canada, plongée dans Stranger Things et les jeux vidéos de mon enfance. La boucle était bouclée. Je pouvais attendre l’apocalypse. Berlin m’avait fait vibrer.
Et puis, et puis : un sursaut, une idée. Enrayer l’apocalypse en demandant conseil à ceux qui l’ont cotoyée de près : les dinosaures (les reptiles qui font peur en grec, t’apprends de ces trucs à l’intérieur des villes). Des incantations autour d’un T-rex (Tristan) et ses petits bras atrophiés et d’un Brachiosaurus renommé Oskar (heureusement qu’ils sont morts les dinos, je sais pas s’ils survivraient la honte d’avoir des noms de chihuahua), le plus long squelette de dinosaures dans le monde. Et puis quoi ? Ce matin : les nuages ont disparu. Je cours. Si vous me cherchez je bronze en anorak, bonnet et moufle sur le teufelsberg. Mais je ne crains rien, aucun dinosaure n’est jamais mort de froid.
